Muses

                                                                                             

Muses (extraits. 3 pages sur 13)
Cher Gaspar bonjour Paris le 7 oct. 1990
Bien reçu ta lettre de septembre.
Je n'y ai pas répondu tout de suite car j'avais du travail en cours sur cette Jappy dont en ce moment j'aime bien le petit   caractére sérré. (pour mes travaux j'utilise soit l'Olympia des années 40 au gd chariot achetée en G.B, donc clavier   QWERTY, ou l'Olympia des années 60 trouvée sur le trottoir en revenant du Musée d'Orsay et qui m'a donc obligé à   rentrer en taxi alors que tu sais que je préfére marcher...) Je viens de changer la bobine DIN 32755. Un acte d'importance ds la fréquentation d'une machine, ce moment où on décide de changer de bande. Qlq chose com mettre son costume 3 piéces, néttoyer à fond la baignoire des dépota calcaire, ou retrousser ses manches. Sais-tu que depuis qu'ils ns ont fait retarder nos montres d'1h je me léve 1h + tot le matin. Je trouve qu'ils se permettent avec ns des libertés de manipulation qu'on n'a guère l'occasion de ns permettre ns-méme.
A propos de liberté je viens de lire un interview de Pièr Ancreuvè (Pierre Encrevé, conseiller technic chargé des aff. cultu. au cabinet du 1er ministre, prof de linguistic à P.8 et membre du conseil spr de la langue française) qui dit:" la langue appartient à ceux qui la pratique". (dont acte!) mais impose toutes les manipulations récentes qui feront que bientot les éditeurs vont se croire obligés de réécrire tous les textes publiés. Quand reviendra-t-on au temps intelligent où un Rabelais pouvait se permettre d'écrire un méme mot avec 3 ortografies différentes ds une méme page. Là ça valait la peine d'écrire, le texte était le vrai terrain d'aventure qu'il doit étre, pour l'écrivain com pour le lecteur. On est devenu parésseux et conformistes à en crever • Mr Encrevé!
Mais c'est pas facile de sortir des structures culturelles. Tu sais que j'y éssaie mon écriture depuis ce travail "Didier BAY 1875- Didier BAY 1975" (collection du MNAM) par le truchement de ce texte écrit directement en anglais avec une liberté que je voulais retrouver ds le text français. J'éssaie, j'éssaie..
A toi qui savoure les anecdotes parisiennes je t'en livre 2, soeurs.
Une de ces femmes trés aisées au language trés particulier synonime d'argent s'exclamait d'entousiasm: "c'est la premiére fois que je m'intérésse à une oeuvre contemporaine "!. Elle venait d'être prise au dépourvu par les oeuvres récentes de P. Raynaud, ses spectaculaires (en effet!) mises en boites "lumineuses" de toiles de Jean Cousin Gustave Courbet et autres. Impossible en effet de ne pas étre sensible à cette mise en scéne. J'y retrouvais aussi une analogie avec mon théme développé depuis 85: "MUSES & MUSEES".
Qlq jours avant, à Beaubourg, au vernissage de "Passage de l'image" un directeur de centre de création contemporaine disait avec un étonnement mélé de plaisir, lui aussi donc surpris:  "C'est la première fois que je m 'intérésse à ce genre de travail !"  ces travaux (immenses photos, travaux vidéo magnifiquement mis en scéne, hologrames) lui paraissaient tout d'un coup d'une évidence quasi didactic: il avait enfin le sentiment de pouvoir les "lire" et donc... peut-étre (?) pouvoir les comprendre (?). Mais là n'était pas le propos, sa jubilation toute neuve venait de ce que le jouet était beau !
Tu m'as compris. Encore une histoire d1ortografie, sur la forme et le style qui priment sur le fond auquel ils sont aveugles. Jamais 1a scéne de l'art n'a été aussi sensible au décorum, aux apparences. c'est un fascism installé. Epater la "galerie" ou impréssionner les dames...voila les termes de l'alternative dans la création contemporaine. Mettre le musée en scéne pour la mésse du regard à la mode.
Oui bien sùr je continue d'àller aux puces et j' y trouve toujours qlq belles inconnues, nues, qui m'attendent. Et coté drague mon travail sur "visages de femmes" m'a apporté qlq émotions. Je t'ai déja raconté les péripéties administratives navrantes où la "gestion" prévaut sur la création... ce qui fait qu'on s'intérroge sur le sens méme de la gestion d'un patrimoine. Un lieu de plus de l'angoisse frénétic d'une humanité qui n'arrive pas à se prendre au sérieux par manque de reflexion et maturation. Manque d'imaginaire finalement. Mais comment s'en étonner ? Heureusement que J. P C... a trouvé une combine pour que je puisse fotografier les portraits de fems du louvre sans payer. Mais toujours des combines, des exceptions, des priviléges... je trouve ça scandaleux com type de rapport et totalement inintelligent. D'un élitisme puéril.
Avec un tel systéme on est tous amenés à faire la pute pour obtenir nos sucettes. D'abor séduire, puis convaincre, mais en fait finalement rééduquer complétement l'interlocuteur. Pas facile!
Question automatismes de comportement, je me suis vraiment demandé, durant ces mois de fréquentation du Louvre, où couraient donc ces touristes qui s'arrétent au milieu de la Galerie Denon pour immortaliser d'un coup de flash cette victoire de Samothrace qui les domine à 30 m ?
Ils savent qu'un flash donne de la lumière, mais ils ignorent qu'à + de 4 à 5 m leur flash est totalement inopérant. Mais ils vont la nuit flasher la tour eiffel et notre dame. Ils savent que la "culture" est entreposée au Louvre mais personne ne leur a donné le mode d'emploi, alors ils érrent, baillent, s'éffondrent (se cassent la gueule sur les parquet et marches glissants) et mitraillent la Joconde, tout excités de tromper la vigilance du gardien débordé. Quelle aventure spirituelle!!!    
Le gardien de la joconde disait "des sauvages"! Il n'y a pas à s'y tromper. Comment s'en étonner? comment l'accepter? Dans le gachis tous azimuts de notre contemporaneité, le gachis ­imposture culturel est évidemment le + insupportable puisqu'il est censé représenter le coeur méme, le foyer de l'intelligence alors qu'il ne met en scéne que de lamentables réflexes de consomation... Avec ces soit-disantes surprises et découvertes pour cette riche dame et ce conservateur, qui sont l'avénement logique téléphoné depuis des siécles de consumérisme. "Découvrir'' est alors d'une naiveté qui en dit long sur l'état des choses, l'aveuglement.
Je t'ai parlé de mes travaux de carosserie et aménagement, peinture sur mon vieux bus VW, dans la chaleur torride tourangelle. J'étais complétement léssivé, les doigts gonflés et gourds (je me suis tapé dessus je ne sais + combien de fois à redrésser ces toles) d'une telle sollicitation. Les nerfs éléctrifiés de fatigue. Aussi si tu m'avais vu 3 jours aprés gambader (on a fait des kms chac jour, ds tous les sens) dans Rome tu aurais été étonné du miracle. Ben oui c'est ça les éffets de l'exotisme. Et c'est la preuve que l' éxotisme c'est la mise en scéne de la vacance... et que c'est ça qui revitalise en moins de 2.
Rome: un bain de jouvence, de fontaine en fontaine, de madonne en madonne (elles m'attendaient à tous les coins de rues, les unes et les autres) Figure toi que c'est à Rome en 63 que j'achetais mon 1er appareil reflex. Découvrir une ville dérriére un prisme n'est surement pas innocent. J'en avais ramené des impressions indélibiles. J'ai eu plaisir à retrouver leurs soeurs.
..../.....
Muses (extraits. 3 pages sur 13)                                                                     

© Didier BAY.