Son œuvre

Agent contextuel expert, technicien en surfaces et profondeurs du vraisemblable, architecte des grands rien et des petits tout  Didier Bay s'est fait connaître dans les années 70, entre autre, parmi les protagonistes du Narrative Art qui associe l'écriture de textes à la photographie. (David Askevold, Bill Beckley, Robert Cumming, Peter Hutchinson, Jean Le Gac, Roger Welch...), également autour de thèmes tels que: "traces", "empreintes" - (Paul Armand Gette, Anne et Patrick Poirier...), ou encore: "marches et voyages", "Ermite ? Chercheur ? Travailleur social ? recherche d'identité ?" (Christian Boltanski, Annette Messager, Jochen Gerz, Joseph Kosuth, Hans Haacke, Klaus Staeck, Edmund Kuppel, Barbara et Michael Leisgen, Wim Delvoye, Pipilotti Rist, Richard Long, John Baldessari, Berhard et Hilla Becher, Hans Peter Feldmann, Fred Forest, Victor Burgin, Marcel Broodthaers...), autant d'expositions collectives où les travaux de D.B. ont trouvé place sans que la liste puisse être exhaustive, vu les innombrables paramètres mis en cause et en scène dans les travaux photo-textes et vidéo de D.B.
Le médium photographique élargit l'horizon, développe l'acuité du regard et un voyeurisme particulier et spécifique à la technologie utilisée.
Notons que D.B. a aussi pratiqué la photo stéréoscopique développant une conscience aiguë des champs perspectifs, des notions de "plans", bref une extension du regard. Un seul travail de D.B. sur les copistes du Louvre utilise cette technique stéréoscopique.
Le médium écriture révèle des interstices possibles pour découvrir en les nommant / écrivant des émotions / sentiments jusqu'alors ignorés par l'auteur car non signifiés. Développement de la pensée et des phénomènes liés au passage par un medium spécifique, les textes de D.B. étant directement créés sur machine à écrire. Des tapuscrits. D.B. a longtemps collectionné et utilisé des machines à écrire destinées à tel ou tel travail A4 ou A3.
En 2000, D.B. commence à créer ses textes et images sur PC, l'écran d'ordinateur jouant un rôle analogue à l'image qui apparaît peu à peu dans la cuvette du révélateur photographique. Pourtant le tirage sur papier reste le matériau privilégié pour la mise en page, mise en scène finale.
Les photos et les textes s'allient pour des explorations aptes à changer aussi bien celui qui les expérimente / manie que celui qui s'engage dans le moment initiatique d'être un spectateur / lecteur attentif à se révéler / entendre à travers l'autre, les travaux de l'autre. Phénomène familier à D.B. lorsqu'il "redécouvre" ainsi des dimensions "cachées" d'un travail plus ancien que lui révèlent de nouvelles lectures.
Autre moment = autre regard.
Chaque médium joue un rôle différent dans chaque projet de D.B. entre biographie et fiction puisque "la réalité est une fiction" (D.B.) et qu'aussi bien "à travers la fiction se révèlent bien des aspects ignorés de la réalité présente ou à venir." (D.B.)
D.B. s'attache à valoriser la genèse du temps présent, les incidents de parcours aléatoires qui jalonnent ses quêtes de sens au sein de la vie quotidienne et ses lieux communs et banalités, formatages culturels. Une quête spirituelle avec un regard d'exégète, d'ethnologue. C'est en cela qu'il qualifie son travail de contextuel.
En 1958, D.B. a racheté à son père un FOCA-sport à objectif "standard" (F:1.3,5 de 45mm). Quelques années plus tard il aura une série de boîtiers reflexes et il considérera bientôt qu'un zoom 28/80mm correspond mieux à ses pratiques du regard et il en équipe l'appareil en bandoulière qui pend quotidiennement derrière son coude gauche. D.B. développe aussi un usage marqué du grand angulaire permettant de photographier sans viser, qui évoluera jusqu'au 17mm f:1,4, le plus lumineux possible car D.B. écarte l'usage du flash. Un 28/200mm rejoint le lot d'objectifs, de même qu'un 2e boîtier pour la couleur. Le "sac photo" lui scie l'épaule gauche, crispe les muscles du dos, d'autant qu'une caméra vidéo perfectionnée s'ajoute bientôt à l'ensemble (1980). Lors de son voyage jusqu'au Népal en 1966 D.B. avait emporté 2 téléobjectifs en carton de sa fabrication, dont un zoom de 800mm.
Avec l'avènement du numérique en vidéo, puis en photo, le tout se résume aujourd'hui à un photoscope compact littéralement "de poche", véritable carnet de notes au zoom 24/90mm avec F:1,4 et la vidéo Full-HD.(Lumix LX7)
Avec ces précisions on entre dans l'économie domestique pragmatique qui encadre la pratique de D.B. privilégiant l'efficacité à moindre coût et donc les mises en forme de ses travaux selon des procédés simples, sobres, discrets, plutôt que déclamatoires et spectaculaires comme peut l'être le champ d'expression artistique s'appuyant sur les emphases de formats, mises en formes et technologies à la mode.
Ainsi le fonds "biographique" du corpus des travaux de D.B. se présente dans les années 1970 comme parties d'albums de "photos de famille", tantôt en album ("MON QUARTIER"), tantôt mis en page sur les murs. La sobriété familière du format standard A4 s'efface pour livrer le contenu, en permettant une proximité intimiste du spectateur.
Aujourd'hui encore D.B. produit des textes extrêmement denses privilégiant les contenus sur la forme et le style, il développe ainsi une écriture particulière à plus d'un titre... induisant une lecture attentive.
La série. Autodidacte en photographie [après l'initiation (1958) par C. Vanni vivant depuis à New-York], D.B. s'intéresse très vite aux séries: situations semblables dans des lieux différents, répétitions de comportements entre analogies et différences où le triptyque joue le rôle de représentation sérielle minimale. Explorant ainsi l'aspect narratif du sériel, discursif et interrogatif dans la simple accumulation et / ou association à d'autres éléments. Le texte vient complémenter par d'autres dimensions. Les thèmes se mettent en place tout seuls au fil du temps, des années, et lors d'un moment de maturation où un bilan possible se suggère. Les gestations peuvent être très longues...au fil des ans, décennies.
En fait, une manière profane de synthétiser le monde paternel pénétré de littérature et peinture, d'en prendre le contrepied notamment dans l'inconcevable prétention (suicidaire selon certains) de se libérer du carcan scolaire de la langue (la littérature) en se réappropriant l'écrit à sa manière, instinctive et iconoclaste par jeu et en rejetant d'emblée toute forme d'autorité (les académismes si pesants) qui prévaudrait à toute forme d'expression. Une expression formatée est le contraire de ce qui peut animer la recherche d'un créateur, toutes disciplines confondues, à moins de s'en tenir aux registres de la parodie ou de la caricature qui peuvent en effet, mériter le détour aussi bien que sombrer dans la dérision systématique qui occupe une place prépondérante dans les médias, réseaux sociaux et tous milieux professionnels.
Rejet des modèles porteurs d'automatismes consensuels, de censures et autocensures de l'auteur docile en quête de reconnaissance, a contrario de D.B. logiquement indifférent aux honneurs puisque poursuivant une aventure solitaire où il serait vain de prétendre à de nombreuses "rencontres".
En 1969 un corpus de séries photographiques s'ordonne dans les 10 albums thématiques de "MON QUARTIER" (vu de ma fenêtre FRAC - Bourgogne ►) en même temps que les premiers rudiments de textes (français-anglais) s'y introduisent, approches d'un état des lieux introspectif. C'est par le biais de la photographie pratiquée sans tabou que D.B. en vient à oser tenter aborder l'écrit de la même façon. Le texte comme une (photo-)graphie instantanée.
L'orthographie qui privilégie la génése de la graphie, le texte comme dessin, esquisses rapides, quête de ce que peut révéler un tel crayonnage de pensées fugaces dont la trace permettra le retour pour d'autres développements. Ça se passe en 1975 au sein de "Didier BAY 1875- Didier BAY 1975" (FNAC Paris ►) où la partie 1875 est tapuscrite directement en anglais, langue apprise principalement oralement dans l'adolescence de D.B. (vacances en Angleterre), nourrie du flirt avec les jeunes anglaises et donc apprise dans le plaisir des relations adolescentes entre émois, questionnements et expériences formatrices liées à différents types d'exotismes exploratoires... À l'opposé de son apprentissage scolaire du français.
Pratiquer le Français "à l'anglaise" devenait en 1975 une aventure d'artiste pour D.B. Travail de longue haleine très difficilement acceptable / recevable pour le citoyen français lambda ayant payé un lourd tribu aux académismes culturels. Cet aspect très particulier de l'œuvre de D.B. est donc tout simplement passé sous silence, ignoré... car on touche là au grand trauma national de l'écriture dont la seule expression autorisée est la littérature... Pourtant les mœurs téléphonie / internet développent de nouvelles orthographies se libérant des académismes anciens et jargons professionnels, sous prétexte technologique, mais instituent des néo-académismes / codes, incluant des comportements de type "réseaux sociaux" avec l'émoticone en adjuvant du lieu commun. Le smartphone prend la place d'un chapelet qu'on égrène frénétiquement, quête compulsive addictive niant le moment présent, échappatoire, fuite suicidaire ordinaire à l'espèce humaine. Le message est le médium... avec la culture qu'il développe (cf. Marshal Mac Luhan).
C'est dire si D.B. était cohérent aux interrogations des années 1970 et aux formes d'arts conceptuels qui habitaient alors les jeunes galeries et attiraient des visiteurs attentifs [le très attendu mensuel Flash Art (Giancarlo Politi) créait le buzz à chaque numéro]; dire aussi qu'il n'est pas dépaysé dans les manifestations très formatées de notre actualité arrimée au culte du passéisme, tout en affichant une pseudo boulimie pour les anecdotes de l'actualité surfant sur les buzzs, plus schizophrénique que jamais dans l'accélération d'une instantanéité s'imposant en mouvement perpétuel et porteuse d'une inflation du rien par son omniprésence occupant le terrain des medias avides... d'exister, survivre... tel un individu lambda formaté pour le proche micro-trottoir.
1977 - BIENNALE de PARIS (ARC) D.B. n'est pas invité par Georges Boudaille (éminence grise au sein de la Biennale) qui a fait "une visite d'atelier" sans donner suite, mais invité par un des commissaires de section "étrangère": Gunter Metken (pareil pour Annette Messager) qui se passionnait pour les travaux en quête de traces ("Spurensicherung" 1974 Hamburg) et était ravi de faire cette pichenette à la France (ou disons Ce français) pour son incapacité à reconnaître l'intérêt des travaux de ses concitoyens. Les lunettes culturelles pour aveuglement ordinaire.
1978 - Date de ses premières vidéos avec le matériel statique (studio) de la fac de Vincennes (1977) puis au DAAD à Berlin (1979) jusqu'à ce qu’il puisse avoir son propre matériel, une liberté essentielle pour agir à sa guise en auto-producteur / réalisateur, gérant ses essais artistiques d'autodidacte dans le cadre d’une économie domestique parfaitement en harmonie avec ses recherches sur les lieux communs, mœurs et coutumes culturelles d’un ordinaire quotidien d’où il ne cesse d’extraire des moments d’exotismes.
En parallèle à ces corpus documentaires tous azimuts, D.B. explore régulièrement la présence féminine, fréquente les muses pour quelques mises en page contemplatives aussi bien qu'interrogatives. Il s'a-muse.
D'esprit radical et intransigeant dans sa dénonciation des stéréotypes culturels, D.B. a une carrière internationale d'artiste marginal et inclassable.
Il est notamment connu pour ses livres dont "MON QUARTIER" (1977), "UN SI BEAU JOUR" (1979), "LE PAYSAGE"(1985), "MUSES & MUSEES" (1993),   "SEDIMENTS"  (1997), "FET & CON" (2008) ...et ses 100.000 cartes postales dont quelques-unes sont éditées.
Voir liste des travaux édités  "Livres" .                                                                                                                                                                                    
© Didier Bay