SÉDIMENTS 1944-1997 (le livre)

                                                                                                   

                                                                                                                            
Cher Didier                                                                                               La Rochelle le 13.01.97

Linette me dit que tu es en train de bosser com un fou sur ton livre pour le Casino alors que p as mal de choses sont venues perturber la tranquilité que tu éspérait avoir pour le réaliser. Trop de temps à consacrer à des contingences emmerdantes mais ayant aussi leur importance...
En tout cas c'est bien que tu puisses faire un livre. Evidemment ça aurait été bien de profiter de ce budget pour sortir une version des WET DREAMS dont on peut se demander quel sera l'éditeur qui aura l'intelligence de le publier ds ce foutu consensus du n'importe quoi. On s1en foutrait si des projets com le tient trouvent leur place.
C'est donc courageux de ta part d'avoir décidé pourtant de laisser ce projet au monde éditorial, si jamais il assume, et d'avoir choisi de faire "autre chose" avec la facilité d'édition offerte par le Casino. Par Enrico disons, puisque ça lui fait visiblement plaisir de t'offrir cette double opportunité d'expo rétrospective et d'édition. Une sorte de pari aussi pour lui, un pari et un risque par rapport aux activités naissante de ce lieu que de t'offrir la 1 ére expo réstrospective qu'ils font.
Evidemment la situation évolue lentement, avec ce préambule des subsides de l'europe pour Luxembourg ville culturelle 1995, d'où la création du Casino et sa pérénité faisant le joint avec le tant attendu et enfin décidé Musée d'art contemporain.
Mais ces gens s1avent-ils vraiment ce qu'ils font? Rien n'est aussi sùr. Rien ds la ville, le pays de Luxembourg ne laisse supposer que ce pays cette ville sont impatients de brasser enfin l'art contemporain à satiété. On a +tot l'impréssion que c'est quasi de mauvaise grace et forçé par le reliquat de préstige attribué à l'art. Innatendu succés de la Biennale de Venise et ces institutions et banques étrangéres qui affichent leurs collections avec un rien de condescendance pour l'étroit provincialism culturel du Luxembourg, effectivement bien trop modeste sinon inexistante com place de l'art alors que plaque tournante des institutions européennes. Un hiatus à combler. C'était donc indispensable de le décider enfin, mais savent-ils vrament ce qu'ils font ?
 
Savent-ils que l'art contemporain c'est le loup ds la bergerie ?
Savent-ils que l'art contemporain c'est convoquer des iconoclastes qui ne pétent pas forcément en bannonie avec les trombonnes de la musique locale ?
Mais c'est vrai aussi qu'on peut trés bien ne pas s'en apercevoir si on choisit judicieusement les pétomanes de l'art...
A propos de couacs on entend déja la rumeur impatiente des artistes du dimanche locaux qui réclament leur bout de cimaises. Ne paient-ils pas des impots qui devraient non seulement leur donner l'accés gratuit aux lieux d'arts, mais aussi leur permettre l'accrochage, la prise de posséssion des lieux. La bataille ne fait que commencer, ils ne vont pas se contenter des médailles en chocolats distribuées par les mairies ds les cimaises de leurs halles d'entrée.
Bref tout le coté passionnant de la vie artistic et culturel du Luxembourg va créer un climat d'émulation le projettant en peu de temps sur le devant de la scéne d'avant garde, à n'en pas douter.
Aussi tu dois te féliciter de jouer incidemment un role de pionnier toi d'ordinaire si discret. Bien qu'étant étranger, et donc suspect, tu pourrais bien jouer un role d'initiateur malgré toi. Car finalement parmi tes contemporains, tu reste un de ceux dont le travail es le + facilement abordable, pourvu qu'on prenne le temps de le faire et qu'on sache lire un peu de français, d'anglais et d'allemand... 3 langues comunément rencontrées au Luxembourg.
J'éspére donc que les luxembourgeois amateurs d'art pourront dire comme cette allemande francophone, à Freiburg "Je suis venue 5 fois voir votre exposition, et à chaque fois j'y ai découvert une partie de moi-méme ".
C'est en effet une des gageure de l'art que de permettre à chacun de découvrir qlq parties de soi-méme à travers ces "autres" que sont les artistes. C'est sans doute la dimension éssentielle de la création.
    Com d'abitude, je serais au vernissage.                     
                                                                                                                     Caspar

© Didier Bay


                                                                                                

SEDIMENTS


16ém Lat: sedimentum "dépot", de sedere "e:re assis, séjourner - méd: dépot de matiéres en suspension au en dissolution ds un liquide. Sédiments organiques: urine, échantillon de sang. 1715 dépot naturel dont la formation est due à l'action des agents dynamiques externes; V. couche, formation; roche. Sédiments marins, terrestres, fluviaux, lacustres, glaciaires.V. Alluvion par métaph. "L'esprit des femmes est ainsi fait des sédiments succéssifs apportés par les hommes qui les ont aimés" (Maurois).
Maurois conforte l'ésprit d'une morphopsychologie appliquées: la femme étant un réceptacle de laitance màle... elle ne peut qu'étre nourrie de ces vagues de dépota naturels.
Evidemment tout etre humain absorbe, subi, est sujet constamment à cette sédimentation génétic et environnementale, culturelle.
C'est en tenant mon fils ds mes bras, à sa naissance, que s'est produit un court­circuit qui mettait en scéne 3 générations, trois roles confondus en cet instant: je me suis vu étant mon pére me tenant ds ses bras, étant moi-méme tenu ds ses bras et enfin pére tenant mon fils ds mes bras. Un état sentimental, émotionnel, à de multiples dimensions qui m'a fait me retourner vers mon pére, mes gds-méres pour leur demander de témoigner, si possible, du context des naissances de mes parents, la mienne. J'allais jusqu'à acheter un magnifie cahier d'écolier Clairefontaine, au papier glaçé, et un stylo bille à Gd-mére Rose (maternelle) dont je connaissait les difficultés d'écriture (elle consultait un trés lourd ouvrage relié pour rédiger la moindre lettre de ses procés de voisinage, copropriété. ). Le cahier resta vierge.
Ds les documents récemment manipulés (remuer les sédiments) je retrouvais une lettre de ma gd-mére Camille me disant l'impossibilité de songer le + bref instant à remettre en scéne ces moments antérieurs visiblement déstinés à etre remisés ds le trivial hors de la déstinée qui l'intéréssait aujourd'hui. Pourtant elle aurait du etre en de bonnes disposition puisqu'en méme temps elle sollicitait de ma part une autre antériorité: une de ses lectrice admirative souhaitait vivement recevoir une foto de Camille jeune fille. Elle me réclamait cette foto particuliére où elle était en maillot de bain au bord d'une piscine. Sans doute particuliérement flateuse ds son ésprit, histoire de prouver que l'intellectuelle était en+ une beauté. J'avais envoyé qlq clichés correspondant (car au fil des temps, intéréssé par les archives familiales j'en avait accumulé de tout ordre) et reçu une protestation irritée: "LA" foto désirée n'était pas ds le lot. Toute l'histoire m'avait parru vaine et malsaine aussi ai-je fait une réponse où je questionnait cette attitude un peu puérile, ce désir de mettre son corps en avant, et où je laissais entendre qu'en fait les fotos en question n'avaient rien d'extraordinaire et que ça n'était pas étonnant qu'elle ait été déçue des clichés envoyés... il n'y avait de "belle" foto que ds le souvenir imprécis, magnifié, de Camille. Bref si Camille avait un charme indéniable, surtout en le resituant ds l'époque, il n'y avait pas de quoi en faire une statue de marbre. Mes temes étaient surement différents mais l'ésprit devait y étre, iconoclaste.
Sédiments sédiments.
Et c'est précisément parceque la mémoire n'est que subjectivité que les fotos sont une référence importante, remettant bien des choses en cause, chamboulant les impréssions conservées, permettant des découvertes diverses semblables à celles du vidéaste se projettant le film de ses vacances et remarquant pour la premiére fois tel ou tel élément mais aussi que mal rasé il a vraiment une sale gueule, et un gros bide incidemment. (L'éffet miroir des images, venant doubler l'éffet d'exotism(s) du changement de lieu, de temps, de medium).
C'est ds ce contexte qu'une bonne partie de mes travaux rencontrent cette motivation primaire d'archivage- témoignage en méme temps qu'exploration / questionnement.

Remuer les sédiments c'est constater à quel point ns sommes imprégnés d'infies anecdotes sans doute jamais innocente.
Ainsi une des dimensions possible de ma maniére de "traiter" le texte peut etre une réaction initialement nourrie par l'impossibilité d'écrire de ma gd-mére maternelle et celle de pratiquer l'intellectualisme du coté paternel. En fait 2 extrémes insupportables, disproportionnés et invalidants de façons différentes. Incitateurs à autre chose.
Et c'est en tentant de faire "autre chose" qu'on se rend compte à quel point la plupart des individus ne cherchent au contraire qu'à se conformer, intégrer à un consensus établi. Pour ces gens là le moindre écart est taxé de dissidence, menace leur propre existance et provoque un rejet brutal.  D'autant +brutal ds un contexte social d'incertitudes. D'où la fragilité accrue de l'acte créateur qui ne s'inscrit pas directement ds une économie de consommation.
Mais sans méme parler de la création artistic toutes disciplines confondues, il suffit de voir les moeurs du culturel pour etre attéré. Si encore elles n'étaient que mercantile ce serait presque une vertue, méme si suicidaire. Mais les intrigues et jeux de pouvoirs alliés à une misére humaine, cead des individus flottants, inexistants, se nourrissant de la gangréne de leurs lacheté et du plaisir particulier à provoquer celle des autres, instaurent le n'importe quoi qui est +que suicidaire, un néant. Voir l'éducation nationale, débile, au service de la débilité sans vouloir évoquer uniquement ces éléves totalement inadaptables au systéme et pourtant conservés en son sein, gravissant les échelons de leur calvaire au nom du refus du redoublement, pour etre finalement rejettés en fin de parcours, alors qu'ils auront sabordé des classes entiéres par leur seule présence. Les effectifs étant déja surchargés et donc peu propices à un travail suivi, ce surplus de parasitage rend la situation "d'enseignement" tout simplement impossible. Un non sens. Qlqs inadaptés soigneusement disséminés ds toutes les classes (louable soucis d'équité!) réduisent l'ensemble de l'opération "culturelle" à néant.
Sans se limiter à cette seule anecdote pourtant déterminante et significative, on peut  penser au contenu des programmes, cette autre débilité sous pretexte d'une culture humaniste intégrant le + d'ingrédients possible... ds un contexte général de servilité à un systéme qui oublie la dimension principale de tout enseignement: des concepts de création qui ne sont mém pas éfleurés ds l'enseignement supérieur, et que certains arrivent à dénicher au hasards de certains stages / séminaires ou autres réunions "de crise" où les choses sont abordées par des chemins détournés totalement étrangers à ces sacro-saintes études, préliminaires ou supérieures.

© Didier Bay


                                                                                                      

C'est dire la vulnérabilité d'un systéme, et donc des enseignants participants à cette vaste blague pour un salaire misérable. Difficile de garder le respect de soi sinon en tirant à bout portant sur ceux qui viendraient le remettre en question. La misére humaine rattachée à une fonction sociale déterminée. Les pensantes et enseignantes élites.
Bien entendu les concepts de création écartés de cet enseignement sont précisément des approches qui ne peuvent que remettre totalement en question cadres et contenus de ces enseignements. On comprend donc que c'est pas dèmain qu'on va enseigner "intelligent", ce serai suicidaire, selon les critéres misérabilistes actuellement en cours.
Or une culture n'existe que par ce qu'on y intégre, ce dont on la nourrit.
Sédiments.
Il arrive que les sédiments ne soient constitués que d'éléments polluants qu'on s'avére incapables le de retraiter, recycler.
Les nouvelles technologies, sciences, conquétes de l'éspace ns font affieurer des dimensions insondables, le cosmos abritant cette planéte terre réduite à l'échelle d'un bocal subissant des effets de serre, des trous d'ozone, des pollutions sans f'rontiéres, des energies non inépuisables, une économie internationale... et un individu si fragile, empétré ds ses contradictions, manipulé, trompé par ses semblables lorsqu'il n'est pas la cible des concepts à tuer les + sofisticés, abordant méme le virtuel.
Virtualité des jeux de morts récents, virtualité d'une spéculation boursiére détruisant la valeur premiére du travail et du travailleur. Alors que c'est précisément ce modèle de spéculation vanpire qui est valorisé par rapport aux autres spéculatios que sont des concepts, un imaginaire de création enrichissant une culture avant de se préoccuper des intérets bancaires, et sans prétendre non plus à l'incompatibilité de ces 2 types d'intérets: le culturel et l'économic.

Tout ça est banal, mais d'une banalité inopérante ds la réalité quotidienne, ce qui est qd méme +tot déséspérant ce fait qu'un constat de disfonctionnement soit un lieu comun sans que personne ne s'investisse pour corriger ce quesfonctionnement(s)...
Constat de trés petitesse de l'individu.
Et pourtant...
De nos jours pas un carton d1invitation, un communiqué de presse, une bio, une nécro d1artiste qui ne le qualifie de "singulier". Ce singulier devient une particule indispensable sur la scéne l'art une redondance qui fait état de la dévaluation du mot "artiste" déja remplaçé par plasticien nettement + "scientific" et devenu en +, singulier • Une somme pour une singularité. On n'est jamais trop riche, mais les mots s'usent à force d'étre employés à tout va.
Virtualité des jeux de morts récents, virtualité d'une spéculation boursiére détruisant la valeur premiére du travail et du travailleur. Alors que c'est précisément ce modèle de spéculation vanpire qui est valorisé par rapport aux autres spéculatios que sont des concepts, un imaginaire de création enrichissant une culture avant de se préoccuper des intérets bancaires, et sans prétendre non plus à l'incompatibilité de ces 2 types d'intérets: le culturel et l'économic.
Tout ça est banal, mais d'une banalité inopérante ds la réalité quotidienne, ce qui est qd méme +tot déséspérant ce fait qu'un constat de disfonctionnement soit un lieu comun sans que personne ne s'investisse pour corriger ce quesfonctionnement(s)...
Constat de trés petitesse de l'individu.

Et pourtant...
De nos jours pas un carton d1invitation, un communiqué de presse, une bio, une nécro d'artiste qui ne le qualifie de "singulier". Ce singulier devient une particule indispensable sur la scéne l'art ' une redondance qui fait état de la dévaluation du mot "artiste" déja remplaçé par plasticien nettement + "scientific") et devenu en +, singulier • Une somme pour une singularité. On n'est jamais trop riche, mais les mots s'usent à force d'étre employés à tout va.
 
Il y a certainement plusieurs façons d'étre sédimental.
Sur le moment je vois un chalut s'obstinant à racler encore et encore le fond marin où la vie aquatique céde peu à peu la place aux déchets. Il parrait qu'il y a des millions de "bouteilles à la mer" portées entre 2 eaux,par des courants mystérieux et dont le méssage sédimental se limite à ce stricte état d'étre.
Bien entendu ces bouteilles pleines de leur vide évoquent ces troupeaux de moutons d surface portés par le flux et le reflux de leur affairisme, syndrome de leur primaire angoisse existencielle, agitant ce flacon qu'ils boiront jusqu'à la lie, cigue de leurs sudations.
On peu imaginer d'autres comportements sédimentaux et comprendre du méme coup la difficulté à les faire vivre en marge de ces flux et reflux pleins d'animosité pour tout ce qui viendrait freiner ou dévier leur cour, mettre en cause le lit séculaire de leur agitation.

© Didier Bay  1997